Le
cactus Hoodia gordonii est apprécié par les
bushmen pour son effet coupe-faim.
Il
faut d’abord ôter les épines avant de
pouvoir mordre dans la tige au goût amer. Le «
kowa», comme l’appellent les bushmen, peut vivre
plus de 40 ans et supporter une année complète
sans pluie. Son effet coupe-faim n’a été
découvert que dans les années 70, lorsque
l’armée sud-africaine a recruté des
guides des ethnies Khoisan pour son intervention en Angola.
Grâce à cette plante, dont ils mâchaient
régulièrement un morceau, ces guides supportaient
très bien la faim, et ils ont transmis leur savoir
ancestral aux soldats affamés. Aujourd’hui
encore, les Khoisan peuvent supporter la faim et la soif
pendant leurs longues expéditions de chasse grâce
au hoodia.
Le
marché de la minceur et des coupes-faim est juteux
...
Sur le marché de King-Williams-Town comme sur de
nombreux autres marchés de la région, on vend
de nombreuses plantes médicinales. Pour la plupart,
leurs effets n’ont jamais été étudiés
scientifiquement. Même dans le cas du hoodia, les
études sont quasi inexistantes. Mais cela n’arrête
pas les hommes d’affaires peu scrupuleux. Le marché
de la minceur et des coupes-faim est juteux : environ un
milliard de personnes souffrent d’obésité,
de cholestérol ou de diabète. Les perspectives
de gain sont énormes. Pourtant, les Khoisan, premiers
découvreurs des effets du hoodia, n’en profitent
pas.
Roger
Chennels, un avocat sud-africain, se bat pour faire valoir
leurs droits: "Les Khoisan utilisent de nombreuses
plantes. Ils vivent en brousse, et c’est un peu leur
pharmacie. Ils y prennent tout ce dont ils ont besoin. Il
y a deux ans, on a découvert que l’organisme
de recherche CSIR avait étudié le hoodia et
l’avait fait breveter. Il l’a annoncé
mondialement, mais les Khoisan n’étaient pas
au courant. Quand ils l’ont appris, ils m’ont
demandé de l’aide en ma qualité d’avocat.
C’est comme ça qu’on a engagé
des poursuites contre une multinationale anglaise, Phytopharm,
et une société américaine, Pfizer"
La
population de hoodia diminue rapidement ...
Action d’autant plus importante que la population
de hoodia diminue rapidement, précisément
en raison de la forte demande des grands laboratoires pharmaceutiques.
Rares sont en effet les fabricants qui veillent à
préserver les stocks naturels. Dans le sud du désert
de Kalahari, il tombe tout juste 20 millimètres de
pluie par an, soit moins de la moitié d’un
verre à liqueur. La croissance du hoodia est donc
très lente.
Pour enrayer la disparition progressive de l’espèce,
certains tentent de la cultiver. Bien irrigué dans
du sable fertilisé, le hoodia croit soudain deux
fois plus vite que dans la nature. Mais ses effets augmentent-ils
en conséquence ? Des spécialistes en doutent:
On ne sait pas encore si la teneur en substance active augmente
aussi, ni si les plants cultivés présentent
des différences avec les plants sauvages.
Le
hoodia est peut-être le produit minceur de demain.
Mais pour le savoir, encore faudrait-il connaître
précisément l’alimentation des bushmen.
Sur un tout autre plan, il faut également fixer des
règles claires pour éviter que les Khoisan
ne soient les grands perdants de cette affaire. Dans les
deux cas, la balle est dans le camp de l’industrie
pharmaceutique.
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